Les jours me semblent longs et répétitifs. Je ne sais pas où est mon avenir. J'ignore même s'il y en a un qui m'attend. Lorsqu'on compare le nombres d'années que j'ai réellement vécu à la période de mon existence c'est assez pénible. Alors c'est ça? J'ai seulement vécu pour provoquer l'une des pires guerres? Non, je refuse d'y croire. Il doit bien y avoir une raison pour que j'aie assisté, impuissante, à l'évolution ou plutôt à la destruction de ce monde jusqu'à l'apocalypse. J'espère bien trouver un jour trouver le but de ma présence sur Terre, sinon c'est que j'aurai échoué ma destinée.

Je me réveille ce matin alors que les rayons du soleil transpercent ma fenêtre. Je m'étire donc longuement en baillant avant de me lever. Je me rends à la salle de bain pour prendre ma douche. Puis je sors et enfile un simple petit et joli haut blanc avec une paire de jeans moulante assez foncée. Je sèche mes cheveux qui bouclent malgré tout et les remontent en chignon, pas le choix avec mes plans pour cette matinée. Je prends plusieurs toiles vierges avec moi ainsi que mon ensemble de peinture avant de me téléporter dans une clairière que j'ai découverte la veille. J'installe alors mon chevalet et pose mes trucs sur le grand rocher derrière moi. Puis je pose la première toile vierge sur le support. Je cherche alors un bel angle avant de sortir mon plateau de peinture. J'y verse les couleurs avant de prendre mon pinceau pour me mettre à l'oeuvre.

Pendant un moment je me permets de rêvasser. Je me souviens de l'époque où pour la première fois je me suis ainsi installée pour représenter fidèlement une image de cette magnifique ville de Troie. Bien sur à cette époque la peinture n'existait pas en tant que tel, disons plutôt que j'ai tissé une tapisserie qui la représentait. Mais tout a péri le soir où les Sparte ont enflammé le château ainsi que la ville entière... Des larmes de mélancolie roule lentement sur mes joues au souvenir de tous ces gens qui tentaient de fuir la mort en criant. Tous ces gens qui ont fait ça en vain car le feu ou les soldats Spartes les avaient rattrapés. Tous ces gens qui sont mort par ma faute, parce que ma présence a donnée la raison qu'il manquait à Sparte pour s'attaquer à ce royaume paisible et qui n'avait jamais été assiégé jusqu'à ce jour. Je secoue la tête pour chasser ces sombres souvenirs. Comment se fait-il qu'après tout ce temps cela m'affecte-t-il autant?

Je me remets donc à ma peinture et détaille le feuillage et les arbres avec soin quand soudain je vois une tache sombre dans ma vue. Je fronce les sourcils et utilise mes pouvoirs pour approfondir cette découverte. Je suis surprise en sentant la présence d'un démon. Mais qu'est-ce qu'il fiche ici? Sa présence signifie qu'il a même traversé une partie du Queens pour arriver ici ou bien Manhattan. Avec l'impulsion magique que j'ai envoyée pour l'identifier, il n'y a aucun doute qu'il a maintenant remarqué ma présence lui aussi.

-Vous devez être un vrai fou pour oser venir jusqu'ici. Déjà que de traverser une frontière est risquée, en traverser deux l'est davantage. Je vous conseille de partir d'ici avant de vous faire repérer.

En fait disons que je dis ça pour éviter toute confrontation. Je n'aime pas attirer l'attention sur moi. C'est ce que je déteste le plus au monde. J'ai déjà senti une aura similaire par la sienne dans le passé, mais c'est très vague j'ai beaucoup de difficulté à l'identifier.

Au début il reste immobile lorsque je lui adresse la parole. Je soupire et m'apprête à répéter lorsque je le vois enfin agir. Il me montre sa main avec un doigt levé afin de me signifier d'attendre un instant. J'entends enfin sa voix mais au lieu de me répondre il me dit de lui accorder un petit moment pour mettre le point. Mettre le point? Qu'est-ce que ça veut dire? Je baisse alors les yeux sur son autre main et voit qu'il écrit. Ah d'accord, là ce qu'il m'a dit a un sens. J'attends patiemment qu'il termine et en profite pour poser mon plateau et de me déplacer afin que mon chevalet ne soit plus devant moi.

Vient enfin le moment où il se retourne vers moi et je dois dire que je suis surprise par la beauté de l'individu qui se trouve sous mes yeux. Puis je me souviens de ce que j'ai appris au cours de toutes ces années, c'est fait exprès pour que les démons soient aussi beau. Ils possèdent habituellement des humains avec un charme certain afin d'arriver à conclure des pactes plus rapidement en draguant leur cible lorsqu'elles sont de sexe opposé. Je ne dois donc pas me laisser avoir par sa belle allure. Je reste sur mes garde avec une main cachée dans mon dos prête à envoyer une décharge en cas de besoin.

Il m'adresse à nouveau la parole, je suis tout d'abord surprise une seconde fois en remarquant qu'il me rend ma politesse en me vouvoyant.

- Je ne voulais pas vous déranger, juste venir dans la forêt...Nous en avons pas chez nous...du moins, aucune qui ne possède des arbres ayant toujours leurs feuilles...Pardon, je diverge un peu...

Je souris afin de le rassurer puisqu'il semble embarrassé.

-Je me doute bien que vous n'êtes pas venu ici pour m'importuner car à moins que vous m'espionniez il est impossible que vous sachiez que je venais ici... Je suis allée dans votre district une fois et j'avoue que ça semble un peu mort... Ne vous en faites pas pour cela, ça arrive tout le monde et souvent à moi aussi je l'admet.

J'ignore pourquoi je m'adresse de façon si disinguée avec lui. Comme si quelque chose me fait comprendre que lui aussi est d'une époque antérieure à celle-ci et qu'il n'est pas habitué au langage assez vulgaire des gens de cette génération. Lorsque je lui dit que c'est dangereux de se trouver sur notre territoire, je le vois baisser les yeux et soupirer.

-Vous allez me dénoncer j'imagine...Je comprend... c'est normal...je ne devrais pas être ici...

Je fronce les sourcils. Je m'attendais à ce qu'il soit arrogant, provocateur et peut-être même agressif, comme tous ceux de sa race quoi. Mais au lieu de cela il se comporte comme quelqu'un de très poli. J'ai connu plusieurs démons dans mon existence alors mon avis n'est pas seulement basé sur des préjugés, il est un des rares spécimen que j'ai eu l'honneur de rencontrer qui est aussi... agréable disons le comme ça.

-Si vous ne causez pas d'ennuis je ne vois pas pourquoi j'irais faire cela. Comme le dit si bien le proverbe "Que celui qui n'a jamais pêché jette la première pierre."

Je lui souris pour terminer de le rassurer. Alors que je le vois ranger ses effets une chute de papier tombent de l'arbre pour virevolter jusque sur le sol de la clairière. Il semble découragé mais aussi mal à l'aise.

- Je..je peux les ramasser avant de partir ..? C'est qu'ils sont important pour moi...

Je vais jusqu'à pousser ma serviabilité en commençant à récupérer les feuilles qui se sont rendues jusqu'à moi en raison du vent.

-Bien sur que vous le pouvez je vais même vous y aider.

Je m'accroupis alors pour continuer à les accumuler. J'hésite un moment avant de dire ma pensée.

-Et puis vous savez vous pouvez rester ici si vous le souhaitez, je ne vais pas vous chasser tant que vous ne me nuisez pas ni à personne d'autre ici...

Je ne peux m'empêcher de lire quelques phrases par-ci par-là. J'ai été seule si longtemps que j'ai dévellopé un défaut: je suis maintenant très curieuse.

-Vous aimez écrire? A propos de quoi?... Si ce n'est pas trop personnel bien entendu. C'est seulement qu'il est rare que je croise une personne de votre race qui apprécie autre chose que la torture et la destruction.

Je l'avoue il me plait bien jusqu'à maintenant et je suis curieuse d'en apprendre davantage sur lui. Il n'y a que deux petits soucis. Premièrement son visage me dit vaguement quelqu'un que je n'arrive pas à identifier et deuxièmement j'ignore si je peux lui faire totalement confiance.

Je sais bien qu'en cachant sa présence ainsi je me rends ainsi complice mais je trouve ça injuste de le déranger seulement parce qu'il veut voir un plus beau territoire que celui qui lui est accessible. C'est vrai que je suis déjà allée à Brooklyn, depuis que les démons y ont emménagé c'est effrayant et lorsqu'on y passe on a froid dans le dos. Les arbres décharnés, les courants d'air, les bâtiments délabrés et mal entretenus...

Lorsque je lui lance un petit proverbe pour lui faire comprendre pourquoi je ne vais pas le dénoncer aux chasseurs, il me réplique ceci:

- En fait, les expressions sont quelque fois mal formé... Aucun individu n'a jamais commis un seul péché dans sa vie..ou dans sa mort dans nos cas...Mais merci de me laisser rester ici...

Je reste silencieuse un moment. Non mais c'est une blague là? Il vient contredire ma justification? Je soupire avant d'éclaircir les choses.

-Justement c'est ce que ça signifie. Par exemple dans cette situation-ci, je ne peux pas vous dénoncer d'avoir traversé une frontière car il m'arrive de le faire c'est tout. Justement cette citation existe parce que comme vous venez de le mentionner personne n'a jamais pêché alors nous ne pouvons pas rabaisser quelqu'un qui en a fait... Enfin c'est pas grave. Et ce n'est rien.

Je vois bien que le geste que je pose le surprend. Il est vrai qu'il est assez incongru de voir un être tel que moi aider un démon mais ça a été plus fort que moi, je me serais senti mal si j'étais restée là à le regarder tout ramasser. C'est vrai que si jamais un ange venais par ici et me voyait à l'aider, je serai rejetée par les autres mais ne le suis-je pas déjà? J'ignore même s'ils ont connaissance de mon existence. Je suis plutôt un fantôme dans ce district d'ordinaire si animé et joyeux. Qu'ils me repoussent ne changera pas gand chose hormis le fait qu'ils auront conscience de ma présence parmi eux. Lorsque je lui pose des questions concernant ses écrits il me sourit avant de dire:

-Non, ça va...En fait, ce ne sont pas tous mes propres écrits...certains ne sont que des notes sur des livres historiques.... Et je comprends votre solitude, croyez-moi....J'en suis devenu aussi curieux, mais la crainte est plus forte que ce défaut qui n'en est pas un...

Je lui souris avant d'utiliser cette ouverture pour prolonger la conversation. Il y a si longtemps que je n'ai pas discuté de choses anodines avec quelqu'un, parler pour parler, dialoguer quoi. Étrangement ça me fait un bien fou même si c'est avec un démon.

-Vous êtes donc un passionné de littérature... Ils ne sont pas tous de vos créations alors cela veut dire que certains si... Il est vrai que lorsqu'on est immortel un jour ou l'autre on fini par se sentir seul, c'est comme si nous étions morts car nous n'existons aux yeux de personne... Je vois très peu de gens alors ceux que je croisent me fascinent en quelque sorte. Je sais que ça parait étrange mais c'est plus fort que moi... Avant j'aimais la littérature aussi, et l'histoire surtout. Mais les récits de guerre me laissent un gout amer dans la bouche, c'est pour cette raison que j'évite maintenant, l'histoire de cette planète est basée sur cette violence... Je secoue la tête. Pardon je ne devrais pas dire tout ça. Je ne sais pas ce qui m'a pris.

Je le vois alors observer mon chevalet. Je tourne la tête pour suivre son regard avant qu'il ne m'interroge à son tour sur mon passe-temps.

- Et vous, c'est la peinture à ce que je vois...je suis désolé de vous avoir dérangé pendant votre art...vous faites cela depuis longtemps?

-Vous ne m'avez pas vraiment dérangé, socialiser parfois est mieux aussi et puis je vous aie tout autant interrompu... Disons que je fais ça depuis que je suis en age de le faire. Ca me détend et ça me permet de me vider la tête de toutes ces pens♪0es qui tentent de l'envahir.

Je m'ouvre trop je le sais bien. Je retourne donc à mon chevalet pour ranger mes choses. Je me suis jurée de n'approcher de personne alors si je reste trop longtemps ça risque de devenir dangereux.

Il me surprend en s'excusant d'avoir repris mes propos, je le regarde alors plus attentivement. Décidément il n'est pas comme les autres démons, alors que fait-il parmi eux? Quelle faute peut-il avoir commise pour être rabaissé au rôle de démon?

-Nous en avons tous, oublions ça tous les deux.

Il se met alors à dialoguer concernant la littérature ce qui me fait sourire pendant que je l'écoute attentivement.

- Non, vous avez raison sur ce point. L'Homme n'a cessé de combattre les siens que pour des raisons inutiles ou encore qui n'en valent pas la peine. D'autres raisons sont d'une plus grande gravité, mais une guerre ne peut pas régler cela. C'est comme deux enfants qui se battent pour le même jouet. .

Lorsqu'il mentionne le fait que les guerres sont causées parfois pour des raisons idiotes, mon regard se perd alors dans le vide. Je me souviens du soir où il y a eu un banquet à Sparte pour célébrer la nouvelle alliance, je me trouvais aux cotés de mon mari Ménélas. C'est ce même soir que je suis partie sur le bateau de mon amant... Le soir où tout a commencé par ma propre faute. Mes yeux s'humidifient et je me dépêche d'essuyer mes yeux. On dit que les blessures s’amenuisent avec le temps eh bien c'est totalement faux, après autant de siècles la blessure est toujours aussi douloureuse. Je sors de mes pensées et me reconcentre tant bien que mal sur ses paroles.

-Oui c'est vrai, et souvent ce sont les plus grandes guerres qui sont causées pour les raisons les plus stupides. Par exemple la première guerre mondiale a été entraînée par le meurtre de l'empereur d'Autriche par un républicain d'a peine 18 ans... Quand ils sont jeunes c'est pour un jouet, quand ils sont plus grands c'est pour une femme qu'ils considèrent comme un jouet. L'important ce n'est même pas la femme en question, c'est l'orgueil. Ni l'un ni l'autre ne supporterait l’idée que tout le monde le juge parce qu'il n'aurait même pas été capable de garder une femme pour lui. Donc en fait ce n'est pas ces raisons stupides qui ont causées ces guerres, mais plutôt l'orgueil mal place des dirigeants et l'envie de pouvoir.

La j'en dis beaucoup trop je m'en rends compte.

-C'est pourquoi je ne regarde pas les détails de ces conflits et quelques peu les raisons, mais je me renseigne sur les légendes, les trésors des territoires, les cultures des peuples et l'évolution de nos sociétés.

-Je suis bien d'accord. Ce qui est dommage c'est que ces barbaries ont détruits ces sites riches en histoire et en connaissance.

-Leur destruction me choquent trop pour que je m'abaisse à suivre leur parcours, mais les solutions qui auraient pu en découler sans les armes, ça c'est un sujet que je crois brillant de développer...

Il passe même son temps à développer des solutions possibles sans que les guerres soient nécessaires ce qui est admirable.

-Oui mais même si vous faites cela, vous ne pouvez pas changer le passé. Les contes de fées ou tout le monde s'entend sont stupides et n'existent pas. Cela n’entraîne que des désillusions. Les gens se sont toujours battus et se battront toujours.

Oui je l'avoue j'ai en quelque sorte perdu confiance en l'harmonie de ce monde. Depuis la fin du monde je sais que les races vont s'entre-tuer c'est inévitable. Je suis surprise de sa dernière phrase.

-Pardon, je parle trop...Il n'y a pas beaucoup de gens qui veulent m'écouter...ni me tenir compagnie en fait...

-Nous sommes deux alors, je comprends parfaitement ce que vous pouvez ressentir. Certains veulent socialiser alors que d'autres s'isolent par choix, soit parce qu'ils sont égoïstes ou au contraire pour le bien de ce monde.

Je lui explique pourquoi j'apprécie tant la peinture et il réplique ceci alors que je termine de tout ranger:

- C'est comme moi pour l'écriture...j'imagine que vous avez commencé cela de votre vivant alors, si ma logique est bonne... Pardon, c'était un peu déplacé...

-Cessez de vous excuser ça va. Oui je l'ai commencé de mon vivant, même si à cette époque j'avais tout pour moi et que j'étais très naïve. Aujourd'hui je n'ai plus rien et j'aurais préféré avoir une vie modeste plutôt que d'avoir tout eut puis perdu, ou plutôt détruit par des gestes idiots.

Je secoue la tête.

-Pardonnez-moi j'en dis beaucoup trop.

Je ressens tellement le besoin de me confier à quelqu'un mais j'ignore à qui, je ne peux pas le faire ni même à ce jeune homme. Les images de cette stupide guerre me reviennent en mémoire, c'est ce qui arrive lorsque je ressasse trop le passé. Je revois tous les visages de ceux qui étaient là et ont péris... Soudain mon attention s'arrête sur un, sur le visage de l'homme qui a énormément contribué à la chute de l'empire de Troie. Je regarde alors mon interlocuteur et sursaute avant de me reculer. Tout ce que j'arrive à sortir de ma bouche c'est:

-Achille...

-Il est vrai que la vie ne sera jamais un paradis tant que les gens seront déchirés et peut-être que la paix est une chose impensable pour ces brisures, mais elle n'est pas impossible et peut toujours régner auprès de ceux qui croit vraiment en son existence...

J'ose tourner les yeux vers lui. Une paix?

-Tu crois vraiment qu'un jour ce monde sera en paix? Ça m'étonnerait énormément. Depuis cette fin du monde il ne manque qu'une petite étincelle pour qu'une guerre éclate. Que ce soit interne ou externe. Ils se détestent tous, ils n'attendent qu'une raison stupide pour s'entre-tuer. Les gens ont toujours été aussi stupides et haineux. Ils ne sont pas en paix avec eux-mêmes et ne le sont donc pas avec les autres. Tout ce qu'ils veulent c'est les biens, le territoire et le pouvoirs des autres races tout simplement. Toutes les valeurs ont disparues j'ai bien l'impression c'en est déprimant.

Je baisse les yeux et je vais ensuite m'assoir sur le rocher où se trouvait précédemment ma palette de couleur que je viens tout juste de ranger.

-Parfois, le choix n'est pas en cause...Partir pour mieux fuir le problème... (Il secoua la tête) Je m'exprime un peu mal...

-Non non pas du tout vous vous exprimez parfaitement bien, soit on fuit le problème ou ceux que l'on pourrait causer c'est effectivement possible. Ou bien fuir un problème qui nous empêche d'avancer.

Moi même j'ai fui Troie seulement parce que j'y ai causé trop de tort. Je ne voulais pas en causer à d'autres personnes et c'est pour ça que je me sens si seule aujourd'hui. Au final, je souffre par mon propre choix. Je me sacrifie pour ne pas détruire la vie d'autres personnes ou d'autres hommes fous qui gâcheraient leur vie pour moi comme l'a fait Paris. Je regrette de l'avoir aimé, c'était un enchantement je ne pouvais rien y faire je sais mais tout de même. Il n'était qu'un lâche, il n'a pas osé affronter la mort suite à son combat avec Achille, il a même supplié son frère de le sauver comme un misérable. Il n'était pas à la hauteur. Pas à la hauteur d'être le prince de Troie. Il y a une différence entre être un irréfléchi et une personne qui ne prend aucun risque, il faut un juste milieu. C'était l'entente du duel, un devait mourir, il n'avait seulement pas envisagé la possibilité que ce serait lui.
Je lui avoue que j'ai eu l'impression que mon monde s'est écroulé lorsque j'ai tout perdu puisque j'avais tout, il me contredit en affirmant que:

-Même ceux qui n'ont rien ont l'impression que leur monde s'écroule...et je cesserai de m'excuser si vous arrêtez aussi..

-Oui pardon vous avez raison... (Je souris lorsqu'il me dit qu'il arrêtera si je le fais aussi) Très bien alors, marché conclus.

Je lui tends ma mère pour conclure cette entente. C'est après cela que tout se complique quand mes souvenirs décident de me revenir en mémoire comme s'ils avaient un message à me faire passer. Je le comprends très rapidement lorsque j’aperçois la ressemblance entre mon interlocuteur et l'ancien grand héros des dieux. Il faut croire que je ne suis pas la seule à éprouver de la rancœur envers lui, il n'y a qu'à voir la réaction du jeune démon. J vois son regard devenir de plus en plus noirs et recule par réflexe, d'habitude lorsque leurs prunelles prennent cette teinte c'est mauvais signe. Il me tourne le dos avant de reprendre la parole.

-Un parfait exemple de ce que vous aviez dit...un homme plein d'orgueil jonglant d'une femme à l'autre...sans respect...Un imbécile oui.... Vous avez retenu votre histoire de Troie et malheureusement, un nom qui l'a salit grandement...

A ce moment je me sens un peu perdue. Au départ je l'ai pris pour Achille lui-même, seulement il l'insulte. Est-ce parce qu'il déteste ce qu'il a été par le passé ou bien car il est seulement de sa famille? Je crois que la deuxième explication est la plus plausible, car ce ne serait pas du genre du jeune soldat de s'assoir sur une branche et écrire. Il est beaucoup trop barbare pour ça, puis il est décédé depuis des lustres. Il a raison, je connais l'histoire de Troie, je la connais du bout des doigts puisque j'y suis et qu'encore aujourd'hui ça me hante. Avant que je trouve quoi dire il me dit ceci avant de s'éloigner.

-Il est préférable que je parte, merci de votre aide et votre compagnie...

Instinctivement je m'élance pour rattraper sa main.

-Non je vous en prie restez!

J'attends un moment avant de continuer à parler car je tente de m'expliquer à moi même pourquoi j'ai posé ce geste. Je ne relâche pourtant pas sa main pour autant.

-S'il-vous-plait... Il y a si longtemps que je n'ai pas pu parler ainsi avec quelqu'un. Et puis vous êtes une des rares personnes qui puissent me comprendre si vous avez connu cet enfoiré, il semble vous avoir fait autant de tort qu'il m'en a fait... Pardon d'en avoir parlé je ne pensais pas que vous le détestiez à ce point. Ce sont seulement des souvenirs qui me sont venus en raison de vos légères ressemblances. Je ne voulais pas vous offenser et encore moins vous faire fuir.

Je suis surprise de son attitude. Je lui parle du fait que ce monde n'a aucun espoir d'avenir et que tout est perdu d'avance et lui sourit! Ça me surpasse totalement. Je comprends alors pourquoi il sourit quand il me dit:

- Oui, la paix n'existe pas c'est vrai et personne n'y croit encore donc elle a disparue...mais on peut toujours croire en ce qui n'existe pas et garder espoir malgré ces temps sombres.

Je soupire en secouant la tête.

-C'est se faire de faux espoirs et ça n'apporte que des déceptions. Je ne vois pas qu'est-ce que ça pourrait apporter de bénéfique. Tout au long de mon existence j'ai vu des gens qui croyaient comme toi et qui ont eu le pire choc de leur vie en se rendant compte que la réalité est loin de ce qu'ils imaginent.

Je l'entends alors rire pour la première fois ce qui me fait sourire. Je suis satisfaite lorsqu'il serre ma main dans la sienne pour conclure notre entente, je suis cependant surprise de la chaleur dégagée par sa main malgré que ce soit assez agréable. Je la relâche avant de la reprendre quelques instants après alors qu'il menace de partir. Tout ce que je lui ai dit est vrai. Pour une fois j'ai l'impression d'être comprise par quelqu'un, une personne qui elle aussi se sent seule car elle voulait protéger son entourage. Une personne qui se sent différent des siens. Je ne sais pas pourquoi mais quand mes yeux ont croisé les siens pour la première fois j'ai eu l'impression que lui et moi nous entendrions bien. Il semble aussi surpris que moi que je l'aie retenu. Lorsque son regard se tourne à nouveau vers moi, il a repris sa teinte bleu-gris naturelle et je ne peux m'empêcher de lui adresse un mince sourire. Mais je perds quasi-immédiatement le contact visuel car il baisse la tête.

- Ce n'est rien...je n'avais pas conscience de mes traits paternels...avec ce...

Il ne fini pas sa phrase mais ce n'est pas ça qui attire mon attention car ce n'est pas nécessaire qu'il finisse sa phrase. Ce qui a fait un déclic dans ma tête, ce sont les mots "mes traits paternels:... Je comprends alors quel lien l'uni à ce guerrier des temps anciens que je n'ai cessé d'hair malgré tous ces siècles. Il est trop jeune pour être son père, il est donc son fils... J'ai devant moi le fils d'Achille en personne, la chair de sa chair. Est-ce que maintenant je le déteste? Non pas vraiment, car il semble avoir la même rancune que moi envers son géniteur, et puis ce n'est pas comme si pour la simple raison qu'il est son fils il doit absolument être comme Achille, sa réaction me prouve même le contraire.

Pourquoi je dis ça? Car je vois une étincelle apparaître dans le regard du démon, comme s'il vient de comprendre quelque chose, puis ses yeux expriment une grande tristesse. Par instinct je baisse les yeux alors que je le sens prendre doucement ma main dans la sienne ce qui me réconforte un peu je l'avoue. Selon une étude nous avons besoin de contacts humains pour vivre, alors maintenant que je touche quelqu'un après toutes ces années ça me fait beaucoup de bien. Le simple fait de tenir ma main est pour moi la plus douce des caresses. Je l'entends alors murmurer mon nom, mon vrai nom, celui que je n'ai plus entendu depuis la destruction de tout ce que je connaissais. Je relève timidement les yeux vers lui. Même dans mes souvenirs je ne me souviens pas d'avoir entendu quelqu'un prononcer mon nom sur ce ton, aussi doucement, de façon aussi rassurante...

-Hélène...Je suis désolé pour ce qu'il a pu faire...mais ce n'est pas de votre faute si cette guerre a eu lieu...n'importe quelle autre excuse l'aurait causée même si vous seriez restée à Sparte.

Je baisse alors à nouveau les yeux.

-Je le sais bien mais je ne peux pas m'empêcher de m'en vouloir... C'est vrai que cette guerre aurait pu avoir lieu sans moi, cependant si ce n'aurait été de moi Paris n'aurait jamais provoqué Ménélas, et Hector n'aurait jamais accepté ce duel contre Achille lui-même. Car oui ils ont agis pour leur royaume, mais Hector voulait aussi protéger son frère et celle qu'il aimait, donc moi...

Je prends beaucoup sur moi-même pour retenir mes larmes. En ce moment je n'ai qu'une envie, me blottir contre les bras de ce jeune homme malgré le fait que je le connais à peine. Mais je sais que je ne peux pas, ce n'est pas raisonnable... Je me contente donc de serrer sa main dans la mienne, c'est déjà mieux que rien à mon avis. Soudain, je vois une goutte tomber sur le sol, puis une deuxième. Je réalise un peu plus tard qu'il s'agit en fait de mes larmes, j'essuie donc mes yeux avant de regarder le ciel. Lorsque j'ai commencé à parler avec lui le soleil avait déjà commencé à se coucher, maintenant il n'est qu'une mince bande à l'horizon.

-Il commence à se faire tard et la nuit les chasseurs redoublent d'attention. Acceptez de rester chez moi pour la nuit, je serai plus tranquille si vous ne repartiez que demain matin. Ma demeure est ici-même dans cette forêt, pour assurer ma solitude, nous nous y rendrons sans mal.

J'abandonne l'idée de tenter de faire comprendre à ce jeune homme que c'est ridicule de croire encore à la paix. Il veut y croire? C'est son choix. Je tente cependant de lui faire ouvrir les yeux pour qu'il se rende compte que j'ai été la cause de plusieurs malheurs mais peu importe ce que je peux dire, je vois dans ses yeux qu'il n'est pas du tout de mon avis. Il a un autre point de vu, un point de vu où je suis innocente de tout.

- Pardon de parler ainsi de l'homme que vous avez aimé...mais Paris, quoique gentil, reste un homme voulant bien paraître...Défier Ménélas était davantage un moyen de se faire briller qu'une réelle provocation vous étant dédié. Sa lâcheté en est la preuve... Si cela aurait été de moi, me battre pour une femme telle que vous contre cet homme, continuer le combat en gardant ma promesse aurait été la moindre des choses pour une parole qui vaut une valeur sentimentale plus que mon propre honneur...c'était déplacé et prétentieux... Et Hector, c'était bien son orgueil, cet Achille étant jugé comme le meilleur. Il cherchait la preuve de sa force...peut-être aurait-il gagné si Hector n'avait pas accidentellement tué son cousin, car la vengeance est une seconde force.

Je l'écoute attentivement mais mes larmes m'empêchent de répliquer tout de suite. Je n'aime pas être sensible, la sensibilité rend faible et vulnérable. Cela inspire la pitié et je veux que personne n'éprouve de sentiments à mon égard... J'ai un peu honte de l'admettre, mais je suis touchée qu'il essuie ainsi mes larmes. Comme si sans le savoir c'est ce que j'attendais, qu'il tente de me consoler. Non je ne dois pas, je me le suis interdit... Je me suis privée d'amour et même d'amitié, pourquoi il faut que je flanche maintenant? Je ne déteste pas cet homme parce qu'il est le fils d'Achille mais parce qu'il réveille des sentiments que je veux garder enterrés au fond de moi.

-Ne pleurez pas, s'il vous plait...Je ne voulais pas vos larmes...

Cela ne semble rien mais pour moi c'est beaucoup, entendre de simples mots doux pour nous rassurer, cela réchauffe notre coeur.

-Je suis désolée, ce n'est pas de votre faute je sais que vous ne le vouliez pas.

J'essuie alors mes larmes pour reprendre de la contenance. Mais au lieu de répondre tout de suite à son commentaire concernant la guerre de Troie, je décide de l'inviter chez moi. Car tout lui expliquer ce serait trop long et car je préfère que nous discutions de tout cela ailleurs, à l'abris des possibles chasseurs. Je ne m'en remettrai pas s'il se fait attraper par les chasseurs par ma faute. Je prends donc mon courage à deux mains pour l'inviter. Je vois qu'il réfléchit un moment à savoir si c'est vraiment la bonne chose à faire. S'il refuse je me promets d'insister jusqu’à ce qu'il accepte, après tout c'est pour son bien. Cependant je n'ai aucune raison de m'inquiéter car sa réponse est toute autre.

- Si je peux faire cela pour vous...mais je ne veux pas vous causer des problèmes...

Je noue mes doigts aux siens et lui sourit chaleureusement pour calmer ses craintes.

-Ne vous en faites pas, encore aucun chasseur ne s'est approché de chez moi jusqu'à ce jour.

Je le guide donc à travers la forêt entre les forêts et le bruit des animaux nocturnes , je connais le sentier jusque chez moi par coeur et avec le temps je me suis habitué aux sons de la forêts à différents moments de la journée. Je n'ai pas à m'en faire pour mon ensemble de peinture puisqu'il y a un moment que je l'ai téléporté chez moi. Nous arrivons alors devant une petite maisonnette assez mignonne et cachée entre des arbres. Je lui souris avant de continuer ma route et d'ouvrir la porte. Je lâche sa main à contre-coeur pour aller allumer les lampes à l'huile. Je sais que ce n'est pas très moderne mais ma maison n'a pas l'électricité et cela donne un petit cachet plus intime à la maison. J'avoue que de me retrouver dans cet atmosphère avec le jeune homme me rend un peu mal à l'aise mais au moins la luminosité tamisée de la pièce ne lui permet pas de voir mes joues rougies. Tout en allumant la chandelle de la table basse du salon je décide d'au moins lui confier mon nom d'emprunt.

-Au fait depuis le temps j'ai changé mon nom pour des questions de papier, je suis Alexandra Forest. Je sais le nom de famille n'est pas très original mais j'ai du le choisir au dernier instant.

Je m'assois sur le divan rouge sang avec quelques détails d'or faux et l'invite à me rejoindre dans le salon. Il peut parfaitement me voir car lorsque l'on entre dans ma demeure il y a la salle à manger qui se trouve devant l'unique foyer de la maison, à gauche. A droite se trouve le salon et ensuite derrière un pan de rideau il y a ma chambre à coucher. C'est assez petit mais bien suffisant pour mes besoins. L'unique porte intérieure mène à mon atelier qui est un vrai solarium. Je me souviens alors de la présence de mon invité mais n'ose pas le regarder et fixe alors la flamme de la chandelle sur la table basse avant d'en revenir sur le sujet de la guerre.

-Vous aviez raison en disant que Paris était plein d'orgueil, c'est en pensant à lui que tout à l'heure je vous ai affirmé que souvent deux hommes se battent pour une femme mais que c'est plus par orgueil que par amour. Cela ne me fait pas mal, car je vous ferai remarqué que ce sont les dieux qui ont fait en sorte que nous sommes tombés amoureux l'un de l'autre, ce n'était pas des sentiments véritables. Depuis sa mort j'en suis libérée, seulement je m'en veux qu'il ait détruit son peuple pour moi. Il a trahis son père qui était un homme respectable ainsi que son frère...

Je rougis davantage en me souvenant lorsqu'il a dit qu'il se serait battu jusqu'à la mort si ça aurait été pour une femme comme moi.

-Comment pouvez-vous le savoir? Nous nous connaissons à peine encore, et peut-être que vous aussi votre orgueil aurait dominé. C'est ce qui arrive trop souvent quand les sentiments ne sont pas véritables, parfois ce n'est pas pour celle qu'on aime que nous mourrons mais seulement pour avoir une fin digne de ce nom...

Je marque alors une pause pour lui permettre de se justifier avant de reprendre.

-Même si vous avez raison sur Paris, vous vous trompez sur le compte d'Hector. J'avoue que d'un point de vue extérieur lui aussi est mort par orgueil. Seulement je l'ai côtoyé et lui ai parlé à quelques reprises. La gloire ne l'intéressait pas. Tout ce qu'il voulait, c'était protéger son peuple ainsi que sa famille. Il tenait à celle-ci plus que quiconque et voulait que son fils puisse grandir, qu'il soit à ses cotés ou non. Contrairement à Paris il avait ses valeurs au bon endroit. Il mérite tous les honneurs et il aurait du survivre et Paris mourir et non l'inverse. C'est injuste que le meilleur des deux ait péri... Peut-être que les dieux voulaient imposer un châtiment au plus jeune qui sait?

Une autre larme roule sur ma joue et je l'essuie rapidement.

-Trop de gens ont péri ce soir-là, il n'y a pas un soir où je ne les revois pas s'enfuir en criant, en implorant les dieux de les sauver... La seule joie que j'ai éprouvé ce soir-là c'est d'apprendre que justice a été fait, et que le bourreau du père, mari et prince vénérable qu'a été Hector, a été exécuté à son tour. Par Paris certes, mais peu importe qui l'a fait, Athéna et Arthémis ont été d'accord pour que justice et vengeance soient rendues.

Je croyais que j'allais éclater en sanglots mais non, je reste très calme et ma voix reste douce et basse. Cela démontre que peut-être je commence à faire des progrès... Est-ce grâce à lui? Difficile à dire. Malgré le fait que je ne pleure pas, j'ai toujours envi de me retrouver dans ses bras. Et pas seulement pour du réconfort, on dirait que je désire autre chose. Mais quoi? De l'amour? Si oui alors je fais bien de me retenir, je ne le mérite pas. Les belles femmes qui causent de la jalousie et de l'envie autour d'elles ne méritent pas d'être heureuses et encore moins amoureuse.

Je vois bien que le fait que je l'ai repris parce qu'il se croit différent des autres l'a embarrassé car je le vois baisser la tête à nouveau tout en se frottant la nuque. N'importe qui aurait pu deviner son état d'esprit présent.

-Vous avez peut-être raison, aucun réaction ne peut être prévu...Veuillez me pardonner pour cette erreur...

Je m'en veux de l'avoir mis dans l'embarras et ne peut m'empêcher de sourire quand il s'excuse à nouveau. Je tente alors de rattraper mon coup et tourne les yeux vers lui.

-Ou peut-être bien que j'ai tort. Depuis le début de notre discussion j'ai facilement remarqué que vous êtes bien différents des autres démons alors pourquoi ne pourriez-vous pas être aussi différent des autres hommes? Et il me semblait que nous avions dit de ne plus nous excuser pour aucune raison ni l'un ni l'autre.

Dans ses prunelles j'arrive à voir une étrange lueur malgré la faible luminosité de la pièce. Je suis alors curieuse de découvrir que peut bien signifier un tel regard cependant ce ne serait pas approprié de lui demander directement ce qu'il ressent. Je dois donc user de patience pour mettre ma question de coté, de la supprimer complètement même.

-Pardon...voila bien le défaut de l'information lorsqu'elle n'est pas exacte...si je l'avais connu, probablement que mon point de vue rejoindrait le vôtre. Il est vrai que les injustices sont nombreuses et la mort d'Hector en fut probablement une, comme la condition d'Achille...

-Cessez de vous excuser sans arrêt comme vous l'avez dit vous ne pouviez pas le savoir puisque tout ce que vous connaissez sur lui vous l'avez appris dans les livres ou d'autres sources qui ne sont que suggestives et passives...

Je n'ose faire de commentaire concernant son paternel car je sais que je risque de m'emporter. Parmi tous ceux que j'ai croisé jamais je n'ai rencontré plus orgueilleux et plus hypocrite que ce supposé héros. D'accord Ulysse a aussi beaucoup contribué à la destruction de Troie mais lui au moins il se souciait des autres et avait un honneur.

- Ce fut certainement tragique qu'autant de vie furent fauchés et que les familles soient à jamais marqués tout comme leur descendance...

Mon regard se perd alors à nouveau dans la petite flamme. Après un long silence pesant je me ressaisie et secoue la tête.

-Cessons de parler de celui que nous répugnons tous les deux ou bien de tout ce qui concerne Troie, ce n'est que du passé et de la souffrance. Or ce n'est pas très bien de discuter de sujets aussi sombres et déprimants avec quelqu'un que l'on rencontre pour la première fois non? Je ne vais dire qu'une dernière chose à ce sujet: je suis désolée que vous ayez eu un tel homme pour père.

Je le regarde alors à nouveau et lui sourit. Il est vrai que nous venons tous juste de nous rencontrer, mais je me sens aussi attirée par ce jeune, je suis déjà plus près de lui que je l'ai été avec la majorité des gens qui ont croisé ma route. Je me rends alors compte que je ne l'ai même pas accueillis comme il se doit.

-Est-ce que vous voulez quelque chose?

J'ai posé cette question tout bas et même de façon un peu hésitante, cette phrase étant plus sortie de façon mécanique qu'autre chose car sans que je le veuille j'ai plongé mon regard dans le sien et j'ai de la difficulté à m'en séparer. J'ai déjà ressenti cette impression auparavant, avec Paris, mais c'était moins intense, moins... vrai. Cette fois-ci c'est d'une force inexplicable et si naturel à la fois. Je n'ai jamais cru au coup de foudre ou en l’âme-soeur, mais ce qui passe en ce moment est même bien au-delà de ça. Je n'arrive même pas à trouver les mots. Sans m'en rendre compte je m'approche très lentement de lui. De façon instinctive mais voulue à la fois je reprends sa main dans la mienne comme il l'a fait tout à l'heure, tout doucement, comme une caresse. Puis dans un murmure doux comme le vent je lui demande:

-Puis-je au moins connaitre votre nom?

Cela semble une question anodine mais mettre un nom sur ce visage serait déjà beaucoup. Mon esprit rationnel me ramène enfin à la réalité et pourtant je ne bouge pas, je ne détourne pas les yeux non plus. Je me sens bien en ce moment alors pourquoi reculer? Le stade du malaise est dépassé maintenant alors je commence à retrouver ma confiance en moi. Je noue mes doigts aux siens de plein grés. Puis je reprend la parole d'un ton tout aussi doux.

-J'aimerais connaitre votre passé aussi. On dit que le passé forge ce que nous sommes aujourd'hui, alors je crois que ce pourrait être un bon moyen pour que je puisse apprendre à vous connaitre vous ne croyez pas? Mais si vous ne voulez pas je comprendrai aussi, c'est votre décision.

Je n'ose pas aller plus loin. J'ai fait les premiers pas c'est à lui de décider s'il veut me suivre ou pas. D'un ton qui se veut rassurant j'ajoute même:

-Si vous refusez ce n'est rien, je ne vais pas vous chasser d'ici pour autant. Disons seulement que c'est une faveur que je vous demande... Nous avons tous les deux été seuls depuis bien longtemps et je ne vois pas quel mal il y aurait à ce que l'on se connaisse davantage. Ça nous fera au moins quelqu'un qui prend compte de notre existence dans ce monde et qui nous respecte à notre juste valeur.

Je ne peux m'empêcher de sourire en remarquant qu'il ne détourne pas son regard du mien. Il semble lui aussi troublé par ce lien étrange qui nous empêche de penser à autre chose que l'autre personne qui est en face de nous. Je cesse d'avancer lorsque je sens sa main trembler dans la mienne, je devine que j'ai probablement fait quelque chose de mal et me résigne donc à baisser les yeux. Mon but n'est pas de le rendre mal à l'aise, loin de là. Maintenant que je me suis rendue compte que ça le rend nerveux, je me sens moins à l'aise que je l'était il y a un instant. Mais il a eu raison de me ramener à la réalité, sinon j'aurais pu commettre un geste pire que celui-là. Il me confie alors enfin son nom et je murmure pour moi-même

-Jason... Je dis un peu plus fort pour qu'il entende Je sais que je vais moi aussi trahir l'entente mais je souhaite m'excuser, ce que j'ai fait a du vous sembler déplacé.

Sous le coup de la gêne je replace une mèche derrière mon oreille de ma main libre. Lorsque je lui demande poliment s'il veut bien me raconter son histoire à lui, je remarque bien son hésitation par son silence. Je m'attends à nouveau à un refus mais encore une fois il me surprend en acceptant.

- Non, vous avez raison, je devrais vous parler de moi, après tout, je suis un inconnu chez vous...

Je ne peux m'empêcher de le regarder à nouveau et de répliquer d'une voix douce:

-Tu n'es pas un inconnu, tu es une connaissance c'est différent.

Je lui souris avant de le laisser continuer.

-Je suis né en 1888 au mois d'avril,donc j'ai 125 ans et j'ai grandi sur ce continent, je suis enfant unique et pendant longtemps, ma mère m'a fait croire que mon père était un héros de la guerre de Sécession. Quand elle a rencontré de nouveau mon véritable père, elle s'est remarié malgré qu'il nous battait, moi et elle, et c'est la que je suis parti de la maison. Je suis mort en revenant de voyage en Europe le 15 avril 1912 dans les heures du matin. Je les ai revu, elle et lui, en Enfer lorsqu'ils sont mort, mais je ne leur ai plus jamais parler après avoir appris de qui je descendais réellement... C'est environ le résumé de ma vie...

Je l'ai écouté avec toute mon attention sans détacher mon regard de son visage si... parfait? Toutes ses émotions passent par son visage. Je me reprend alors quand il a fini.

-Le XIXe siècle est rarement abordé car ça a été une période plus tranquille, et je comprends pourquoi ta mère t'a menti, elle voulait que tu crois avoir un père héroïque pour compenser son absence... Je te comprends aussi d'être parti, ce ne devait pas être saint pour toi... Tu es mors bien jeune alors, tu n'avais que 24 ans... Personne ne mérite de mourir alors que notre vraie vie commence. Au moins ta vie de démon est en quelque sorte une chance d'en connaitre un peu plus sur la vie... Et je suis désolée pour tes parents vraiment... Pour ce que ta mère a du vivre et parce que ton père est ce qu'il est.

Je suis abasourdie quand il se penche à son tour vers moi. Est-ce que je suis mal à l'aise? Pas trop non, car je sais maintenant que nous sommes deux à vouloir nous rapprocher. Il est si près que je peux sentir son souffle chaud sur ma peau, je ne baisse pourtant toujours pas le regard, je ne cesse de fixer son regard qui semble observer chaque détail de mon âme. Il me demande alors de lui raconter par moi-même mon histoire.

-Il n'y a pas grand chose à dire. Comme tu l'as surement lu je suis la fille de Zeus et de la reine de Sparte, j'ai été mariée contre mon gré à Ménélas avant d'être offerte à Paris par un amour que les dieux ont créé pour remercier Paris de l'un de ses exploits qui lui a valu d'épouser la plus belle femme de Grèce. La guerre de Troie s'en est suivi et ensuite je n'ai eu d'autre choix que de vivre recluse. J'ai seulement frôlé la mort pendant la chasse des sorcières et une fois je me suis risquée à me mêler à la population pendant la Renaissance où j'ai épousé un riche homme qui lui aussi a été tué par jalousie. Ensuite j'ai vécu comme un simple esprit jusqu'à aujourd'hui. En gros ma vie a toujours été contrôlée soit par les engagements que d'autres personnes ont faits pour moi ou bien par ma promesse de rester loin des vivants pour éviter d'autres malheurs. Le seul bien fait est la passion que je me suis trouvée pour la peinture... Et aujourd'hui de t'avoir rencontré.

Le regardant toujours, je me risque à effleurer sa joue du bout des doigts avec ma main libre, puis ses lèvres.

Il me rassure en tentant de rétablir le contact visuel tout en m'assurant que je ne dois pas m'excuser de m'être rapprochée de lui. Je comprends aussi qu'il veut que je reste près de lui quand il rapproche nos mains de lui pour m'empêcher de m'éloigner ce qui me touche en quelque sorte. Quand je lui dis que je suis désolée pour ses parents il secoue la tête comme quoi je devrais pas.

-En fait, ce n'est pas pour rien que ma mère est un démon...ils sont tout deux pareils...des infidèles, des menteurs et je dirais qu'ils n'avaient aucun sens du style, si tu aurais vu cette jupe fleurie...

Malgré la gravité de la situation je ne peux pas m'empêcher de rire à ce dernier commentaire. J'espère au moins que c'est pour rigoler qu'il l'a ajouté sinon je suis fichue. Il me rend la politesse en m'écoutant raconter ma vie sans m'interrompre et en semblant vraiment intéressé par ce que je dis, il ne baille pas et ne fais pas autre chose. Il ne fait que me regarder avec des oreilles attentives. Lorsque vient ma caresse il ne me repousse aucunement. Je le vois seulement fermer les yeux ce qui me fait sourire. Quand ensuite je passe à ses lèves, je l'entends murmurer mon prénom qui crée une drôle d'impression en moi. Ce simple mot que l'on entend sans arrêt dans notre vie ressemble à un mot d'amour venant ainsi de ses lèvres. Non, c'est impossible, je délire totalement c'est tout. Je veux aller plus loin mais avant je veux qu'il pose aussi un geste, voir s'il est prêt à ce que nous nous rendions plus loin. Je le sens glisser ses doigts le longs de son bras ce qui me fait sourire, j'ai donc ma réponse.

Maintenant que j'ai le feu vert je me risque à lâcher sa main à contre coeur, mais je ne recule toujours pas, je garde mon visage à quelques centimètres du sien. Je pose alors mes mains sur chacune de ses joues pour encadrer son visage et je les caresse avec mes pouces. Mes yeux ne quittent toujours pas les siens, cet instant est magique et unique au monde. Je franchis les quelques centimètres qui séparent nos deux visage mais alors que mes lèvres frolent les siennes je me rends compte du danger. Si jamais je fais ça nous allons attirer l'attention sur nous. Et si pour une fois ce n'est pas la jalousie qui va nous causer des ennuis, c'est notre différence de race. Demain matin il retournera chez lui et disparaitra de ma vie, m'attacher est une mauvaise idée. En fait je suis déjà attachée... Alors disons que de m'impliquer avec lui me fera encore plus mal. Je me recule à regret de lui.

-Je vais aller préparer le lit pour toi, je me contenterai du divan, après tout ce n'est que pour une nuit.

Je me lève alors avec pleins de remords sans remarquer que je l'ai tutoyer instinctivment. Je sais qu'il est déçu et je le suis tout autant mais nous ne pouvons pas... Je marche d'un pas léger mais qui est un vrai suplice pour moi jusqu'aux rideaux que j'écarte légèrement pour pouvoir entrer dans la chambre. J'allume une chandelle pour avoir un peu de luminosité avant de commencer à préparer le lit pour mon invité. Pendant que je le fais je serre un oreiller contre moi pour tenter de faire passer ma peine. C'est ce qui arrive quand on laisse nos sentiments nous dominer, nous sommes déçus car la fin est toujours mauvaise. Des larmes silencieuses coulent sur mes joues et je pose l'oreiller pour les essuyer. Je déteste être dans un tel état, ça ne me ressemble pas. Et puis ça n'a aucun sens de tenir autant à un inconnu en si peu de temps, ça n'a aucun sens. Je sens une présence dans la chambre et devine que c'est lui mais je n'ose pas me retourner et continue de préparer son lit.

-Ce ne sera pas long je ne fais que me prendre un oreiller.

Je sais que je ne dois pas le regarder, sinon je vais craquer je le sens, je le sais.

Je suis surprise de l'entendre rire avec moi mais ça me rend heureuse aussi. Lui qui semble aussi déçu que moi par la vie, j'ai réussi à le faire rire ce qui me satisfait. Peut-être que tout n'est pas perdu après tout. Alors que j'ai l'intention de retirer mes doigts de ses lèvres douces et charnues à la fois je le sens y poser un baiser qui fait frémir le bout de mes doigts. Comment un simple homme peut-il me faire autant d'effet? C'est impensable. Quand je me décide à prendre son visage dans mes mains je sens sa main se poser sur l'une des miennes et sa chaleur m'apaise. Je rougis légèrement quand je vois son autre main venir dégager mon visage, me permettant ainsi de mieux le voir. Son geste est si mignon et attirant à la fois. Comme si lui aussi veut pouvoir mieux me voir.

Quand j'entreprends par moi-même de rapprocher mon visage du sien je le vois avancer aussi alors que moi je décide de reculer. Ca se voit dans ses yeux qu'il ne comprend pas trop la raison de mon geste. Il est vrai que c'est assez soudain mais c'est seulement en raison de ma tête qui a repris le contrôle sur mon coeur qui ne se rend pas compte du danger. Il ne sait pas à quel point il sera déçu en aimant ce démon. Oui je l'avoue, sans que je le veuille je suis tombée sous le charme de cet homme dès le premier jour. C'est étrange et pourtant je n'ai pas du tout l'impression qu'il tente de me manipuler ni quoi que ce soit dans le genre. Lui-même semble éprouver les mêmes sentiments que moi. Est-ce vrai ou bien seulement une impression? Difficile à dire.

Alors qu'il entre dans la chambre je lui dis que je prends seulement un oreiller pour ensuite partir. Cependant je suis tellement troublée que je rebrousse chemin pour sortir de la pièce les mains vide. Tout ce que je veux c'est me tenir à distance pour m'empêcher de flancher. Malheureusement pour moi je le sens me retenir alors qu'à son tour il pose ses mains de chaque cotés de mon visage. Je me dis non, il ne doit pas faire ça. Lui non plus ne se rend pas compte à quel point ça va nous attirer des complications. N'ayant pas vraiment le choix mon regard rencontre à nouveau le sien et alors je sens toute résistance devenue inutile. Malgré tout mon esprit continue de se débattre alors que Jason me demande en murmurant pourquoi pas. Je ne trouve pas les mots pour lui expliquer ce qui nous en empêche.

Avant que je réussisse à me décider à propos de quelle décision prendre, je le vois approcher à nouveau son visage du mien, de plus en plus près, toujours. C'est trop rapide pour que je puisse reprendre mes sens et l'éviter. Je sens ses lèvres s'écraser sur les miennes avant de les embrasser. Je sens alors une chaleur intense envahir tout mon être, c'est du bonheur tout simplement et de l'amour. Je ne me souviens pas d'avoir éprouvé un sentiment aussi puissant auparavant. C'est si fort que j'ai l'impression que je vais exploser.Ma tête se vide totalement à nouveau pour ne penser qu'à une chose, lui. Mon coeur se met à battre à toute vitesse car il a gagné le combat. Sans le vouloir j'ai pris la décision de me laisser aller. Tant pis pour les conséquences au moins pour un soir je me permets d'être heureuse. Je l'ai bien mérité non?

Je glisse donc une main sur sa nuque et l'autre contre son torse en répondant à son baiser avec tout cet amour en moi qui ne demande qu'à sortir. A ce moment là je ne pense plus à la logique ni rien, j'exprime seulement mes impulsions causées par mon amour. Ma main qui se trouve alors sur son torse détache les boutons de sa chemise un par un et sans le remarquer je recule peu à peu jusqu'à trébucher et tomber sur le lit, entraînant Jason avec moi dans ma chute. Je reste surprise un moment mais n'hésite pas à reprendre ses lèvres. Je murmure alors son nom.

-Jason...

Lorsque nous tombons sur le lit j'ai peur qu'il prenne conscience de ce qu'il fait et s'éloigne mais il n'en est rien. Il continue mon baiser avant de laisser glisser ses lèvres contre mon cou pour l'embrasser. Je me sens totalement fondre à son contact et me laisse aller dans ses bras. Peu importe les conséquences, au moins pour une nuit je serai heureuse et je pourrai mourir en paix avec ce simple souvenir qui restera gravé dans ma mémoire jusque dans la mort. C'est beaucoup mieux qu'une éternité de tristesse je le sais maintenant. Et puis demain matin il ne sera plus là, alors qu'importe que je quitte ce monde définitivement? Nous nous abandonnons tous les deux à la chaleur de la nuit et des bras de l'autre.

Je me réveil le lendemain matin comme à l'habitude par les faibles rayons qui réussissent à traverser les rideaux pour éclairer la pièce. Je sens alors une forte chaleur dans mon dos et entend une respiration. Malgré tout je ne peux m'empêcher de sourire. Je sais exactement qui est derrière moi pour faire la "grande cuillère" et je sais pourquoi il est là. Je me rappelle de chaque détail et me les remémorent afin de ne pas les oublier. Je veux que cette soirée tout simplement magique reste à jamais gravé dans ma tête, jusqu'à ma mort et plus encore. Son bras est autour de moi, d'habitude c'est supposé être un signe de "Tu m'appartiens." Mais vu les circonstances je ne crois pas que ce soit conscient. Car même si je le veux, je ne peux pas lui appartenir. La fatalité est que ce matin il va retourner dans son district comme c'était entendu au départ. Une nuit de bonheur à deux pour ensuite passer le reste de la vie seule. Le seul soucis c'est qu'en lui proposant de venir chez moi je ne savais pas que j'en tomberais amoureuse si rapidement. Enfin je le savais, mais je me disais que c'était impossible et pourtant si. Est-ce qu'il m'aime aussi? Je l'ignore mais ce n'est pas vraiment l'important ce matin. Au contraire, si les sentiments sont partagés, la séparation n'en sera que plus difficile. Ce serait donc mieux que lui n'éprouve rien pour moi.

Le plus doucement possible je roule sur moi-même afin de pouvoir me retrouver face à lui. Je me blottie davantage contre son torse tout en l'observant dormir. Il est si beau... En dormant ainsi, est-ce qu'il se doute de la terrible séparation qui nous attend tous les deux? A quoi rêve-t-il? Suis-je dans son rêve? Je ne dois pas me faire d'idées non plus. Je ne peux cependant pas m'empêcher de frôler son visage du bout de mes doigts. Je ne reverrai plus jamais ce visage que j'ai appris à reconnaître et à admirer. Est-ce que j'ai bien fait? La douleur vaut-elle cette nuit avec lui? Est-ce que le jeux en vaut la chandelle? Je crois bien que oui.